Jean-Paul L'Allier est le maire qui a dessiné la ville de Québec que l'on connaît aujourd'hui. Durant ses 16 ans de « règne » à la mairie, il a investi dans la culture et dans la beauté de la Capitale-Nationale, mais on se souvient surtout de lui pour avoir mené une bataille épique et déchirante afin que surgisse une seule et grande municipalité, là où il y en avait municipalité, là où il y en avait onze.
Né à Hudson en 1938, Jean-Paul L'Allier a fait des études en droit et en sciences politiques à l'Université de Montréal et à l’Université d’Ottawa. Rapidement, il tâte de la diplomatie avec Expo 67 et l'Office franco-québécois pour la jeunesse.
LE DÉBUT D’UNE LONGUE CARRIÈRE POLITIQUE
La piqûre politique se manifeste en 1970 et il se fait élire député libéral dans la circonscription de Deux-Montagnes. Le premier ministre Robert Bourassa le nomme ministre des Communications, poste qu'il cumulera avec celui de ministre de la Fonction publique.
Le jeune ministre est responsable des négociations lors du premier Front commun des employés du secteur public, qui se soldera, en 1972, par l'emprisonnement des trois chefs de grandes centrales syndicales : CSN, FTQ et CEQ. S'il garde un bon souvenir de Marcel Pépin et de Louis Laberge, il avoue qu’il ne comprenait pas Yvon Charbonneau. « On ne pouvait pas laisser passer un mépris de cour », raconte ce grand démocrate, qui constate que les présidents de syndicat « n'ont pas chialé » et se sont servis de leur emprisonnement comme vitrine pour, en quelque sorte, gagner la sympathie du public. Lui, ça lui a coûté son poste de responsable de la fonction publique... Même s'il a été brièvement ministre des Affaires culturelles (1975-1976), cet épisode l’a suivi tout au long de sa carrière.
Emporté par la vague péquiste de 1976, Jean-Paul L'Allier a pris congé de la politique et a occupé le poste de délégué général du Québec à Bruxelles, de 1985 à 1988, avant de lancer son cabinet de conseil en affaires publiques.
En 1989, il prend la tête du Rassemblement populaire (RP), un parti né dans les quartiers centraux de Québec et en guerre ouverte avec l'administration Pelletier. « Nous partagions les mêmes valeurs », résume-t-il pour expliquer ce curieux mariage. Lentement, il arrondit les angles et fait du Rassemblement populaire un parti de pouvoir.
Réputé pour son caractère irritable, Jean-Paul L'Allier avoue avoir mal réagi quand il a appris, au cours d'une réunion d'organisateurs, que ceux-ci pensaient faire élire neuf ou 10 conseillers sur 21. « Ils visaient d’être minoritaires. En fait, ils m'avaient écarté. Je leur ai expliqué que quand tu te présentes, c'est pour gagner », révélant du même coup avoir menacé de se présenter comme indépendant à la mairie en utilisant la moitié du budget électoral.
Le débat à Québec porte sur le projet de la Grande Place du maire Pelletier. Le parti et son chef considèrent qu'on a tort de miser sur un centre commercial au centre-ville pour affronter la banlieue. Jean Pelletier avait créé la bibliothèque Gabrielle-Roy et permis au train de revenir à la Gare du Palais; il restait à revitaliser Saint-Roch. Ce fut le principal legs de l'époque L'Allier. Durant 16 ans, il martèlera son credo politique : « Une ville, ça ne sert pas juste à faire des trottoirs; la culture est un élément fondamental dans une ville. »
Lors du dévoilement du cadeau offert par la famille Simons, soit la magnifique fontaine de Tourny, qui sera officiellement inaugurée en 2007, en prévision des célébrations entourant le 400e anniversaire de la ville de Québec. Sur la photo, M. L’Allier est accompagné de Sam Hamad, à l’époque ministre responsable de la région de la Capitale-Nationale, de Peter Simons et du premier ministre Jean Charest.
Des investissements publics serviront donc à revamper le quartier Saint-Roch à se réapproprier les berges de la rivière Saint-Charles, à multiplier les places publiques, à embellir le boulevard Charest... des réalisations qui font qu'en 2013, les visiteurs s'extasient devant la beauté de Québec.
À PROPOS DU DÉPART DES NORDIQUES…
L'ex-maire a vécu difficilement le déménagement du club de hockey en 1995, qui est allé pousser la « puck » au Colorado. Comme bien des acteurs, il constate que ce départ était inévitable dans le contexte de l'époque. «« Aux yeux de l'opinion publique, j'ai porté la casquette du gars de la culture qui a chassé les Nordiques. » Il ajoute, avec une pointe d'amertume : « J'ai toujours dit que je croirai à la LNH quand ceux qui ont fait 10 millions de dollars avec la vente mettront cet argent-là sur la table. » Fin de la parenthèse.
LES FUSIONS
C'est sous l’administration de Jean-Paul L’Allier que seront également fusionnées les villes de la communauté urbaine de Québec. L’ex-maire fait partie de ceux qui ont convaincu le gouvernement de Lucien Bouchard de les imposer. On a assisté, à Québec, à une bataille rangée avec les maires de banlieue et la flamboyante Andrée P. Boucher, qui défendait son « Sainte-Foy ».
Le maire de Québec explique que c'est la candidature ratée de Québec pour les Jeux olympiques de 2002 qui l'ont persuadé qu'il fallait former une seule ville. Malgré l'échec humiliant, l'opération s'était soldée par un surplus de 600 000 $. Le maire a suggéré à ceux qui avaient mis de l'argent dans la cagnotte de le consacrer à des événements sportifs internationaux, au prorata de leur contribution de départ. Ils ont tous dit oui, sauf la Communauté urbaine de Québec, pour qui cela ne représentait pourtant que quelques milliers de dollars. De ce manque de vision, il a conclu qu'il fallait faire d'une ville de 185 000 habitants une ville de 500 000 habitants. « Les fusions font des villes plus fortes et plus justes pour les citoyens; ça permet de partager les risques et les bénéfices. » Les bénéfices pour Québec, il les contemple du haut du complexe Jules-Dallaire, où il occupe un bureau au sein du cabinet d’avocats Langlois Kronström Desjardins, et d’où il observe une cité en développement.
En compagnie du juge Richard Beaulieu, qui a présidé le comité de transition ayant conduit à la naissance de la ville de Québec unifiée le 1er janvier 2002.
En novembre 2001, Jean Paul L’Allier a remporté haut la main son quatrième mandat à la mairie de Québec contre Andrée Boucher et David Marcoux, un candidat indépendant.
Réussie à Québec, la fusion a fait reculer la métropole que, dans son langage imagé, Jean-Paul L'Allier compare à « un homme battu à la sortie d'un bar ». Selon lui, la création d'arrondissements avec des maires, poussée par la ministre Louise Harel, a « cassé Montréal en morceaux ». Il faudra, ajoute l'ex-magistrat, repenser Montréal et « scrapper » ce qui ne marche pas.
En 2003, en compagnie du maire de Paris, Bernard Delanoë, toujours en poste.
En compagnie de Jean-Pierre Raffarin, premier ministre de la République française en 2003.
C'est la mairesse Boucher qui a prolongé de quatre ans la carrière de Jean-Paul L’Allier à la mairie. Lorsque Mme Boucher a annoncé qu'elle voulait se faire élire pour défaire la nouvelle Ville, il a répondu spontanément : « Elle va me trouver sur son chemin », prenant tout le monde, y compris ses proches, par surprise.
Comme Gilles Lamontagne, il décrit ses plus belles années politiques au municipal, « parce qu'on est plus en contrôle des grands projets. Au provincial, tout est enchevêtré; au Conseil des ministres, chacun défend sa tourtière. »
Voici ce qu'il retient de son bilan : création des conseils de quartier, revitalisation de Saint-Roch, embellissement de la ville.
L'empreinte de Jean-Paul L'Allier est imprégnée dans le tissu urbain de Québec.
PHOTOS : VILLE DE QUÉBEC