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Quand la ville de Québec étonnait Henry David Thoreau

5 mai 2015| Jean-Marie Lebel, historien

Quand la ville de Québec étonnait Henry David Thoreau

Dans les manuels d’histoire de la littérature aux États-Unis, le poète et philosophe naturaliste Henry David Thoreau occupe une place de plus en plus importante.



Quoiqu’il soit décédé il y a 150 ans, ses préoccupations pour la protection de la nature rejoignent les environnementalistes d’aujourd’hui. Partisan du principe de la non-violence pour transformer la société, il a influencé Martin Luther King et continue à influencer beaucoup de ses lecteurs. C’est en 1850, alors qu’il avait 33 ans, qu’il vint visiter Québec. Et son récit de voyage révèle que notre ville l’impressionna et l’étonna à bien des égards. Tout y était si ancien.





La côte de la Canoterie et la porte Hope





Un Yankee en direction de Québec



Henry David Thoreau était originaire de Concord, une petite ville du Massachusetts, où il naquit en 1817. Ayant étudié à Harvard, il devint instituteur. Grand marcheur devant l’Éternel, il avait fait de longues excursions en Nouvelle-Angleterre. La colonie britannique du Bas-Canada, qui se déployait au nord de la Nouvelle-Angleterre, ne manquait pas de susciter sa curiosité. En septembre 1850, il prit le train à Concord et débarqua à La Prairie, vis-à-vis Montréal (il n’y avait pas encore de pont sur le Saint-Laurent). Le lendemain, au port de Montréal, il monta à bord d’un petit navire à vapeur pour se rendre à Québec (le train ne se rendait pas encore à Québec). Après quelques heures de navigation, le navire contourna l’imposant cap Diamant et se présenta devant la vieille ville. « L’arrivée à Québec est très impressionnante, il était six heures du soir quand nous y arrivâmes », nota Thoreau.



Comme dans les chroniques de Froissart



Une fois débarqué, Thoreau put découvrir la ville à sa guise. Il monta l’escalier Casse-Cou, puis emprunta la côte de la Montagne. C’est avec étonnement qu’il se retrouva devant la porte Prescott. « Ce passage, nota-t-il, était défendu par un canon, surmonté d’une guérite, avec une sentinelle à son poste et d’autres soldats prêts à relever. Je me frottai les yeux pour être sûr que j’étais bien au dix-neuvième siècle et que je ne franchissais pas l’un de ces portails qui ornent parfois les frontispices des nouvelles éditions de vieux volumes à caractères gothiques. Je me suis dit que ce serait un endroit parfait pour lire les chroniques de Froissart. Ce n’était pas sans me rappeler le Moyen Âge tel qu’on le voit dans les romans de Scott. »



Thoreau n’avait encore jamais vu une telle ville-forteresse. Il y rencontrait d’innombrables soldats venus d’Angleterre, d’Écosse et d’Irlande. On lui affirma que les fortifications comptaient 180 canons prêts à ouvrir le feu. On lui apprit que des sentinelles étaient postées sur les remparts jour et nuit, même pendant les plus grands froids de l’hiver. Tout cela ne manquait pas de surprendre Thoreau, car les ennemis lui semblaient si loin. À qui voulait-on faire peur ? Thoreau compara la ville à un gardien de ménagerie dont les animaux montrent leurs griffes.





La côte de la Montage et la porte Prescott 





Un curieux visiteur



Thoreau parcourt les rues. Il veut tout voir. Il veut entrer dans la citadelle. On lui indique qu’il doit se procurer un laissez-passer à un guichet situé dans les casernes des Jésuites (sur le site actuel de l’hôtel de ville). Et il l’obtint, malgré le fait qu’il soit Américain et que la citadelle fût construite pour défendre la ville contre d’éventuels envahisseurs américains. Lorsque Thoreau aperçut les tours Martello, il les compara à des moulins à vent abandonnés. On lui avait fait part de tellement de termes militaires qu’il eut l’impression de pouvoir devenir membre de la Société royale de génie.



Ce qui compliquait la vie de Thoreau dans cette ville de Québec, c’est qu’il comprenait bien peu de mots français. Lui qui voulait faire des promenades aux abords de la ville se rendit rapidement compte que tous les conducteurs de calèche ne parlaient que français. Et Thoreau remarqua que les chevaux ne comprenaient eux aussi que le français ! Il remarqua que de nombreux chiens étaient attelés à de petites voitures pour transporter du lait ou diverses marchandises.



En vain, Thoreau chercha à Québec des restaurants comme il y en avait à Boston ou à New York. Il trouva bien des auberges où l’on servait à manger, mais il y trouva surtout des gens assemblés pour y boire. Puis, un Britannique lui fit enfin comprendre qu’il ne trouverait pas dans les auberges de Québec de poudings ou de tartes aux pommes. De quoi s’ennuyer de la Nouvelle-Angleterre !



Thoreau, qui ne fréquentait plus les églises, trouvait qu’il y avait trop de prêtres dans les rues de Québec. Comme il trouvait d’ailleurs qu’il y avait trop de soldats, puis trop de conducteurs de calèche. Décidément, cette ville n’était pas faite pour lui. À ses yeux, cette ville, fort belle et pittoresque, appartenait à un âge révolu.





L’escalier Casse-Cou





La fin de la route



Quoiqu’il eût de son vivant un certain nombre de lecteurs, la gloire d’Henry David Thoreau fut surtout posthume. Il n’avait que 44 ans lorsqu’il mourut en 1862 dans sa petite ville natale de Concord. À l’heure de ses funérailles, 44 coups tintèrent à la cloche de son église paroissiale. Dans les éloges, on le décrivit comme un homme droit et intègre. Et le cortège funèbre se rendit au romantique cimetière de Sleepy Hollow.



Thoreau avait un jour écrit : « L’homme est l’artisan de son propre bonheur ». Et il avait conclu : « S’il boite, qu’il n’aille pas grommeler parce que le chemin est rude. Si ses genoux lui font mal, qu’il n’aille pas dire que la colline est abrupte. »



 



 



 



 



 



 



 



 



 



 



 



 



 



  



 



 



 



 


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