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Remonter le temps dans la côte de la Montagne

16 juin 2023 | Jean-Marie Lebel, historien

Remonter le temps dans la côte de la Montagne
Sur la photo : Dans les années 1950 et 1960, le restaurant Le Vendôme y eut bonne réputation avec sa carte parisienne. Source : levendomequebec.business.site

Il y a de, par le monde, de nombreuses villes aux rues escarpées. Pensons à San Francisco, à Istanbul, au quartier du Montmartre à Paris. Cela ajoute à leurs charmes et leur pittoresque. Il en est bien sûr ainsi de notre Vieux-Québec avec son cap, ses escarpements, ses escaliers et sa célèbre côte de la Montagne.




Monter la côte de la Montagne ! Par tous les temps et pour quiconque, cela a toujours représenté un défi. Et notre fondateur Samuel de Champlain aurait été bien mal vu de trop s’en plaindre. C’est lui qui avait convaincu son patron Pierre Dugua de Mons et son roi Henri IV que le site de Québec était idéal pour y faire un établissement permanent. On pourrait y arrêter les ennemis, car le fleuve s’y rétrécissait et on ferait du haut cap une forteresse imprenable.

À l’été de 1608, Champlain fit ainsi construire son habitation à l’ombre du rassurant cap (sur le site de l’actuelle église Notre-Dame-des-Victoires). C’est neuf ans plus tard, en 1617, que Champlain installa la famille de Louis Hébert et de Marie Rollet sur les hauteurs du cap (où se retrouve aujourd’hui le Séminaire). On utilisa une échancrure dans la falaise pour y tracer un sentier abrupt, que l’on ne pouvait grimper qu’à pied. Les trois enfants de la famille, Anne, Guillemette et Guillaume, devaient bien se demander où cela les mènerait là-haut.


La côte de la Montagne vers 1930 et vers 1950 (à droite).
©Pacifique Canadien. Source : numerique.banq.qc.ca



Quelques années plus tard, à compter de 1624, Champlain fit enfin ériger son fort Saint-Louis, surplombant le cap et dominant le fleuve (sur le site d’une partie de notre terrasse Dufferin et du monument Champlain). Il fallait bien y monter des matériaux. Et cela à force de bras d’hommes, car il n’y avait pas encore de chevaux à Québec. Champlain fit donc retravailler le sentier de 1617. Il en fit fermer la partie inférieure, trop pentue, pour faire une nouvelle section longeant le bas de la falaise. Cela explique pourquoi, vis-à-vis l’escalier Casse-Cou, le tracé de la côte de la Montagne prend la forme d’un coude. Dans ses écrits, Champlain se justifiait ainsi : « L’incommodité que l’on recevait à monter la montagne pour aller au fort Saint-Louis me fit entreprendre d’y faire faire un petit chemin pour y monter avec facilité ». Il est intéressant de noter qu’aux yeux de Champlain la falaise est « une montagne ». Rien n’est donc étonnant au fait qu’on en viendra à parler de « la côte de la Montagne ».

Au cours de l’été de 1635, Champlain monta pour une dernière fois sa côte de la Montagne. Paralysé, il fut incapable de quitter son château Saint-Louis l’automne venu, et mourut le jour de Noël.


Photo du haut : La côte de la montagne vers 1950.
©Lida Moser. Source : numerique.banq.qc.ca
Photo du bas : Carte postale de la côte de la Montagne.
©Toronto Post Card & Greeting Card. Source : collections.banq.qc.ca



Au printemps suivant, son successeur, le sieur de Montmagny, montait à son tour la côte de la Montagne lorsqu’on lui fit observer qu’il longeait ainsi le cimetière où étaient enterrés les pionniers de Québec. On raconte que le nouveau gouverneur s’agenouilla alors dans la côte afin de prier. Encore aujourd’hui, en 2023, une grande croix brune nous indique l’endroit de ce cimetière (cela est du côté droit lorsque l’on monte la côte, au pied des remparts du parc Montmorency).

De vieilles gravures nous montrent qu’il y avait jadis des maisons accrochées aux ponts de Paris comme au Ponte Vecchio de Florence. C’est à cela que nous font penser les maisons qui s’accrochent à notre côte de la Montagne. C’est au temps du gouverneur Frontenac, à compter des années 1670, qu’apparurent ces premières maisons.

Les bombardements britanniques du terrible été de 1759 ne laissèrent des maisons de la côte de la Montagne que des décombres. Les maisons furent par la suite reconstruites pour y loger diverses boutiques.

Au milieu du XIXe siècle, la côte était une artère commerciale huppée avec ses établissements d’horlogerie, d’orfèvrerie, de gravure, d’édition. C’est là que le quotidien Le Soleil fut fondé en 1896. Plusieurs députés pensionnaient à l’hôtel Mountain Hill House.

Au XXe siècle, ce fut au tour de boutiques de souvenirs d’attirer l’attention des passants quelque peu essoufflés. Dans les années 1950 et 1960, le restaurant Le Vendôme y eut bonne réputation avec sa carte parisienne. Et un peu plus haut dans la côte, les encadreurs Zannetin y tinrent la première grande galerie d’art en ville. On nous a raconté que parfois, sur le seuil de la porte de la boutique, la vieille madame Zannetin apercevant le fleuve en contrebas, songeait à sa lointaine Italie natale. Puis, elle rentrait dans sa boutique. Elle avait fait de la côte de la Montagne sa nouvelle patrie. Comme tant d’autres avant elle.













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